
En partant m’installer à Montréal, je réalisais un rêve. Tellement attendu, tellement préparé. Nous voulions partir dans les meilleures conditions possibles, mon copain et moi un emploi chacun ; une aide de nos entreprises respectives pour le déménagement et une destination tout de même bien connue.
Montréal on l’avait visité à plusieurs reprises, déjà lorsqu’on avait été en stage à Ottawa, puis en vacances car la sœur de mon Jules y est installée depuis près de 15 ans. On avait donc même “la famille”.
Ce projet-là on l’a bien pensé, bien prévu. Déjà car on est organisés à deux, on prévoit beaucoup. Une des grandes capacités de mon chum ? Sa capacité à prévoir, organiser, anticiper et tout ça en restant agile. Ma capacité première à moi ? Être exigeante envers moi-même et me mettre une pression injustifiée. Voilà un bon mélange de départ.
Pour tout vous dire, mon métier c’est d’accompagner les gens à la mobilité professionnelle à l’internationale. Donc les projets d’expatriation, les petits stress du départ, l’immigration, les avions, la recherche de logement, la scolarisation des enfants etc. Ça me connait !
Et pourtant, comme bonne cordonnière, je me suis bien mal chaussée.
Côté “logistique” du projet, RAS ; tout s’est bien passé. Aucun problème, aucun oubli. De la joie sur notre visage au départ, des larmes dans nos yeux sur le quai de la gare, une arrivée rondement menée. Même notre recherche d’appartement a été “parfaite”, en 4 jours ; nos démarches administratives finie en 2 jours. Non, vraiment rien à redire là-dessus.
Sauf que dans ma tête à l’époque, tout foutait le camp.
Côté professionnel, j’étais submergée.
Côté personnel je ne me suis jamais vu comme ça, j’étais en détresse.
Et en bonne professionnelle passionnée par le sujet de l’expatriation et des dessous de l’expatriation ; j’ai eu envie de comprendre ce qu’il s’était passé. Non, je ne vais pas vous parler de la courbe du deuil dont tout le monde vous parle. Je vais essayer de faire un peu plus dans la créativité.
Ce qui m’est arrivée en réalité arrive à beaucoup d’autres :
Je me suis mise trop de poids sur les épaules. J’ai eu des exigences bien trop élevées.
Et pourtant la plupart des gens qui me connaissent et qui liront ce passage se diront qu’ils étaient à mille lieux de se dire qu’à l’époque je croulais sous 45 000 tonnes de poids.
En l’espace de 3 mois j’en avais pourtant fait des choses !
J’avais eu une belle opportunité offerte par mon entreprise de participer à l’ouverture de leur première agence Amérique du Nord à Montréal. Pris un poste qui demandait des compétences en gestion de filiale que je devais appréhender (chouette, je vais en apprendre des choses !); dans un environnement professionnel et culturel totalement nouveau. Et, comme dans tout contexte d’ouverture de filiale, j’avais déjà beaucoup de pression sur moi. En plus je me rajoutais le handicap de le faire dans un pays que je ne connaissais pas; dans une ville où je n’avais pas de réseau professionnel et où aucun de mes anciens collègues/managers n’étaient. Professionnellement, je n’avais que peu de repère.
Personnellement, j’avais mis la barre haute : continuer à être heureuse et à rendre heureux ma moitié (quand tu travailles en mobilité internationale tu sais à quel point un changement de pays peut avoir un impact notable sur le couple); rencontrer un maximum de personne rapidement, sortir plus qu’avant, découvrir la ville, prévoir des sorties les week-ends etc.
Je m’étais attendue à faire la bascule d’un pays à l’autre, d’un rythme de vie à un autre; en un claquement de doigt. Très grosse erreur de débutante…
J’avais presque vécue 14 ans en France. J’y avais fait mes études supérieures, et je maîtrisais donc parfaitement les codes de la vie là-bas, le fonctionnement du travail, les valeurs du pays et même les manières d’interagir avec les autres.
Et me voilà 12 semaines après mon arrivée, complètement perdue car ma vie n’était pas encore organisée comme je l’avais pensée. Je n’avais même pas encore trouvé de moyen d’aller faire des courses aux deux semaines et me plaignais du fait que je devais y aller au moins 3 fois par semaine, par ce temps neigeux en plus (pour vous dire à quel point ça en était ridicule).
Oui mais à l’époque je ne comprenais pas pourquoi je le vivais comme ça. Avec beaucoup de recul, je suis désormais capable de l’expliquer et d’en parler.
Et j’en vois encore beaucoup de personne qui, avant de partir, planifient tout dans leur tête ou sur un papier; s’imaginent déjà leur vie à l’étranger en pensant majoritairement aux aspects positifs. Et à ceux-là, à vous peut-être; j’ai envie de dire : oubliez vos exigences, laissez-vous guider par la vie qui vous attend et laissez-vous l’opportunité d’expérimenter sans planifier.
Arrêtez de vouloir que tout soit parfait, arrêtez de vous poser 1000 questions et de refuser de franchir le pas, parce qu’en fait “t’es quand même moins bien couvert par la sécurité sociale ici”.
TOUT fait partie de l’aventure donc laissez-vous porter, laissez-vous découvrir de nouvelles choses.
C’est ça la magie de l’expatriation, c’est ça l’ouverture d’esprit que vous allez gagner (mieux vous comprendre, mieux anticiper, mieux réagir pour les prochaines fois).
Et tout ce parcours, il sera sûrement complexe si vous essayez comme moi de tout vouloir faire parfaitement.